L’écriture Braille

Boudé par les jeunes, le braille reste ancré dans le quotidien.
CÉCITÉ | Ringard, le braille? Les avancées technologiques ont tendance à le faire passer au second plan. Pourtant, il résiste et reste le seul moyen d’écriture à l’usage des personnes aveugles. Explications à l’occasion du bicentenaire de la naissance de Louis Braille.

24 Heures, Yseult Théraulaz, lundi 19 janvier 2009
Six petits points disposés sur deux rangées verticales suffisent aux aveugles pour coucher sur papier et en relief, la langue de Molière, entre autres. «Inventé en 1825, le code braille est non seulement utilisé dans les cinquante-cinq pays francophones du monde, mais il a aussi été adapté aux autres langues, comme le chinois et l’arabe», explique Louis Polèse, professeur de braille et expert à la Commission internationale pour l’évolution du braille francophone.
Utilisé par un grand nombre de personnes privées de la vue, le braille subit toutefois le dédain de la jeune génération. «Ce code est mis au second plan, car les jeunes sont fascinés par les nouvelles technologies, explique Jean-Marc Meyrat, responsable de l’antenne romande de la Fédération suisse des aveugles et malvoyants (FSA), à Lausanne. D’ailleurs, dans les pays industrialisés, il y a de moins en moins d’enfants aveugles grâce aux progrès ophtalmologiques et aux dépistages.» Et apprendre une nouvelle langue sur le tard, avec tout ce que cela implique sur le plan psychologique, n’est pas évident.
«Informatico-compatible»
Adapté à un grand nombre d’outils informatiques, le braille reste indispensable pour toute transcription écrite. «Nous ne sommes pas dans une société orale, poursuit Louis Polèse. Ce code binaire, semblable à celui utilisé en informatique, est particulièrement compatible avec l’ordinateur.»
En vingt ans de bons et loyaux services auprès de l’imprimerie braille du Centre pédagogique pour handicapés de la vue de Lausanne, Marianne Castella constate une baisse drastique du nombre d’abonnés à la revue mensuelle: «Nous en avons une soixantaine contre 200 lorsque j’ai commencé. Mais ne pas connaître le braille revient à ne pas savoir écrire!»
Lire avec les oreilles
Un désintérêt pour la lecture tactile lié notamment à une offre grandissante en matière de «lecture audio». Livre parlé, kiosque électronique transformant les journaux en format MP3, logiciels de reconnaissance vocale sont autant d’outils permettant de faire l’impasse sur l’écriture. «En utilisant mon ordinateur ou mon enregistreur, je n’ai jamais eu à apprendre ce code», explique Paul-André Dupertuis, de Bulle. Privé de la vue en 1993, à l’âge de 35 ans, cet ancien agriculteur précise: «J’ai toujours été un manuel bien plus qu’un bureaucrate. Je n’ai jamais beaucoup lu ou écrit.»
Sans oublier que lire avec ses doigts requiert une certaine sensibilité tactile et du temps! Anne Pillet, bibliothécaire responsable de la Bibliothèque braille romande, basée à Genève nuance: «Les outils informatiques ne remplacent pas le plaisir de prendre un livre sous le bras et d’aller s’installer sur un banc pour le lire.»
Avis partagé par Chantal Gaillard, enseignante de braille en Valais: «Je suis aveugle depuis l’adolescence. A l’époque déjà, je lisais énormément. Grâce au braille, je garde le contact avec le papier. Je suis moins bonne à l’écrit, mais je fais mes mots croisés en braille.»
Jamais en panne
Etiquetage de produits, marquage dans les lieux publics, pense-bêtes sont autant d’utilisations courantes de cet alphabet tactile. «Aujourd’hui, l’accent est mis sur le côté pratique du braille, lié à la vie de tous les jours», précise Jean-Marc Meyrat. Et le quinquagénaire Michel Turrian, aveugle depuis plus de vingt ans, confirme: «Cet alphabet m’est utile pour prendre des notes, étiqueter mes disques, noter mes rendez-vous. En revanche, je ne l’utilise plus pour lire.» Et de conclure: «Le braille ne va pas disparaître. D’autant qu’un ordinateur peut tomber en panne!»

Quelques utilisations de l’alphabet tactile

La tablette et le poinçon sont les outils traditionnels utilisés pour écrire en braille. Une méthode difficile, car il faut marquer les points à l’envers pour les lire en relief à l’endroit. «Ça fait un peu bricolage», s’amuse Jean-Marc Meyrat, de la FSA.

La ligne braille est intégrée à l’ordinateur et placée au niveau du clavier. Elle permet aux personnes aveugles de lire avec les doigts le texte figurant à l’écran. Cette ligne est souvent couplée avec une voix de synthèse pour une «lecture orale» plus rapide.

Ecrit en braille, un livre prend beaucoup plus de volume. Une page A4 de texte donne quatre pages en braille! Raison pour laquelle certains aveugles préfèrent les bouquins audios. La Bibliothèque braille romande transcrit 200 nouveaux livres par année.

La souris Mouskie a été créée par Philippe Racine en collaboration avec la Haute Ecole Valaisanne et la société METEC. Vendue 980 fr. avec un logiciel didactique, elle permet de s’initier au braille. Disponible dès septembre à l’UCBA.

Adresses Internet utiles

www.braillecode.ch et www.ucba.ch

Les activités pour le bicentenaire de la naissance de Louis Braille
Louis Braille perdit la vue progressivement suite à un accident survenu enfant. Plusieurs activités sont prévues cette année, pour lui rendre hommage. Dès le mois de mai, une visio mobile sillonnera la Suisse en proposant une exposition itinérante sur le braille.
LAUSANNE Du 20 avril au 2 mai au Forum de l’Hôtel de Ville, exposition sur l’histoire du braille et son avenir.
NEUCHÂTEL Du 17 au 19 avril au Théâtre du Pommier, concours de lecture braille en français et allemand. Tournoi de jass, scrabble et autres manifestations.
SOLEURE Du 22 au 24 mai, ateliers sur le braille pendant les Journées littéraires de Soleure.
Plus d’infos: www.sbv-fsa.ch

source journal 24 heures www.24heures.ch


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