Les personnes handicapées comme les malvoyants doivent pouvoir utiliser la cyberadministration
«Ce n’est pas évident, ça dépend un peu de chacun, mais on peut apprendre.» Cédric Fardel et sa chienne Zora ont presque volé la vedette hier au conseiller d’Etat Pascal Broulis lors d’une conférence de presse sur la fiscalité. La raison est à la fois simple et sans doute extraordinaire pour le grand public: comment remplir une modification d’acomptes électronique lorsque l’on est aveugle?
Aujourd’hui, l’administration fiscale se veut inclusive et doit fournir la possibilité aux personnes aveugles ou malvoyantes d’être autonomes.
Cédric Fardel, qui est testeur à la Direction générale du numérique et des systèmes d’information (DGNSI), en fait la démonstration: en quelques minutes, il a rempli son document grâce à un synthétiseur vocal. Seule difficulté rencontrée et passagère, le système demandait une mise à jour rapide.
Codirectrice du marketing et de la communication de l’Union centrale suisse pour le bien des aveugles (UCBA), Carol Lagrange salue «cette démarche inclusive», rappelant que 377 000 personnes souffrent en Suisse d’un handicap visuel.
Côté fribourgeois, on précise à La Liberté qu’une telle prestation n’est pas disponible pour le moment. Il faudra attendre que le Service des contributions soit inclus dans le guichet unique. ’est une thématique importante qui n’est pas mise de côté, souligne-t-on.
Pour Pascal Broulis, l’exemple donné hier illustre la volonté d’une administration fiscale accessible et inclusive, qui e entretient le contact avec tous ses contribuables par le maximum de canaux possible. A tel point qu’un Vaudois mécontent de ses acomptes en a fait part par message électronique encore le 31 décembre 2020 à 22 h 41. Ouvert 24 heures sur 24, 7 jours sur 7, comme l’a répété le grand argentier.
L’Administration cantonale des impôts (ACI) n’a été fermée l’an dernier que quelques heures à cause de la pandémie. «C’est fondamental que les gens puissent être taxés, que le travail se poursuive», affirme-t-il. Et le Covid–19 aidant, le besoin de contacts a été très manifeste: le centre d’appels téléphoniques a reçu plus de 220 000 appels et courriels, alors que 52 000 contribuables se sont pressés au guichet et que les e-prestations sont en hausse constante. «Tout l’arsenal électronique a été développé et cela fonctionne plutôt bien», selon le responsable. Les dépôts de déclarations d’impôts sous forme papier sont en recul constant et atteignent le chiffre de 122 000 en 2019, contre 342 000 en version électronique.
Dans le contexte très particulier de la pandémie, le chef du Département des finances a fait part de ses premières observations, soulignant l’importance de la déclaration d’impôts (DI) pour l’obtention également d’autres prestations, comme le dispositif d’aides aux établissements contraints à la fermeture.
La DI, c’est une carte d’identité secrète: «La vie de chacun n’appartient à personne», selon Pascal Broulis.
Crise conjoncturelle
Les services fiscaux s’interrogeaient sur une éventuelle forte hausse des demandes de modification d’acomptes à cause du virus et de ses répercussions économiques. «Il y en a eu un peu plus, soit 20% de plus l’an dernier que par rapport à 2019, mais ça va. Il faut tout faire pour que la crise pandémique conjoncturelle actuelle ne devienne pas structurelle», a martelé le ministre. Il n’y a pas de retard non plus dans le paiement des acomptes.
Ce qui l’inquiète en revanche, ce sont d’éventuelles provisions Covid de la part des indépendants et entreprises. Pour 2019, les demandes ont été balayées car jugées non légales. Mais pour 2020, c’est possible et l’enjeu, selon des modélisations, pourrait tourner autour de 270 millions de francs (canton-communes).
Interview de Carol Lagrange Codirectrice du marketing et de la communication de l’UCBA (Union centrale suisse pour le bien des aveugles)
Quelle est l’importance de cette prestation?
Réponse de Carol Lagrange: Elle démontre la capacité d’être autonome pour une personne malvoyante ou aveugle. Au lieu de devoir remplir sa déclaration avec l’aide de quelqu’un, elle peut le faire elle-même. Et on sait qu’une déclaration d’impôts ou une modification d’acomptes, c’est quelque chose d’assez confidentiel.
D’autres prestations se développent-elles dans ce genre?
Réponse : Le gros sujet actuellement, c’est le droit de vote électronique. Ça reste polémique, mais cela permettrait effectivement aux personnes aveugles et malvoyantes d’avoir davantage d’autonomie et d’exercer leurs droits politiques seules. Des associations s’occupent de fournir les équipements nécessaires, avec les lecteurs d’écran, les synthèses vocales. Grâce à ces dispositifs, vous pouvez remplir les documents.
Est-ce vraiment à la portée de chacun?
Réponse : C’est faisable. Cela dépend des compétences techniques. Mais des cours sont donnés aux personnes aveugles ou malvoyantes.
C’est également une question d’âge?
Réponse : Il est vrai que l’âge peut jouer un rôle. Les trois quarts des personnes concernées sont quand même âgées, donc la question de l’utilisation d’internet est un sujet. Mais il faut saluer cette initiative de faire des sites accessibles. Des personnes malvoyantes ont besoin d’agrandisseurs d’écrans avec des contrastes de couleur marqués.
Laisser un commentaire